« J’étais perçu comme amoindri pour diriger mon entreprise, notamment par les banques, les assurances, les partenaires et actionnaires ». De nombreuses embûches se dressent mais, plutôt que de le décourager, elles forgent son engagement. « La tétraplégie est l’immobilité totale du corps, pas celle de l’esprit », rappelle-t-il.
Fédérer les entrepreneurs en situation de handicap
Jean-Philippe se dit, en effet, qu’il ne doit pas être le seul à rencontrer ces obstacles et ces « discriminations qui ne disent pas leur nom ». Pour s’en assurer, il entre en contact avec d’autres entrepreneurs en situation de handicap. Ce partage d’expériences le conforte dans l’idée que de nombreux freins doivent être levés pour les aider à développer leur activité. Son envie de monter des projets étant toujours aussi forte, il crée en 2012 l’association « Les handipreneurs », première plateforme collaborative inclusive sur le web pour les fédérer.
Elle réunit aujourd’hui 75 000 chefs d’entreprise en situation de handicap autour de 3 piliers. Le premier pilier est d’accompagner des porteurs de projet dans leur création d’entreprise, de l’idée au plan de financement. Cet incubateur virtuel a ainsi soutenu plus de 40 projets depuis 2019. Le deuxième est de sensibiliser les grandes entreprises françaises à l’inclusion et de gérer des projets pour la faire progresser, notamment via de l’intrapreneuriat, « solution innovante que nous sommes les seuls à proposer aux entreprises en matière de réorientation professionnelle ». Le troisième pilier concerne l’influence auprès des pouvoirs publics afin de faire progresser les lois sur l’handipreneuriat. En la matière, les initiatives de l’association ne manquent pas : rapport présenté à la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale en 2016, travail sur l’avant-projet de loi sur « l’égalité́ des chances à entreprendre en situation de handicap » avec Sophie Cluzel, Secrétaire d’état au handicap de 2017 à 2022...
Un nécessaire « choc de simplification »
S’il est aujourd’hui président de l’association « Les handipreneurs », Jean-Philippe Murat a également d’autres casquettes. Il est, en effet, ambassadeur auprès du Secrétariat d’Etat aux personnes handicapées et expert auprès du CNCPH (Conseil national consultatif des personnes handicapées). « Favoriser leur autonomie et leur réinsertion » est le fil rouge de son militantisme.
Avec quelle finalité ? « Les aider à prendre leur destin en main », souligne-t-il. L’enjeu est de taille : chez les 18-25 et les plus de 50 ans, les chômeurs en situation de handicap sont 2 fois nombreux que les chômeurs valides. « En aidant à la création d’entreprise avec des solutions innovantes et sur-mesure, nous sommes une réponse au chômage de masse », soutient-il. Avec de bons résultats à la clé : « après 3 ans d’existence, les entreprises créées par les handipreneurs accompagnés ont un taux de survie qui est 13 % plus important que celles des entrepreneurs valides ».
Ces succès ne doivent pas masquer le long chemin restant encore à parcourir. Si Jean-Philippe Murat conseille aux personnes en situation de handicap d’« oser entreprendre et de se tourner vers les bons interlocuteurs », un « choc de simplification » doit, selon lui, se traduire dans la loi pour les aider. « Notre avant-projet de loi contient 12 solutions pour favoriser l’handipreneuriat. Les 2 plus importantes sont la capacité de pouvoir emprunter au même titre qu’un entrepreneur valide, ainsi que l’appui de la BPI (Banque publique d’investissement) en tant que fonds de garantie des emprunts qui viendrait cautionner les prêts des handipreneurs », détaille-t-il.
Il a pour ambition de faire voter cette loi avant la fin du quinquennat. Mais ce n’est pas son seul objectif : il souhaite aussi proposer des évolutions de la loi de 2005 pour favoriser l’embauche des personnes en situation de handicap et développer l’intrapreneuriat autour du handicap dans des grands groupes . Un programme dense pour quelqu’un qui aime constamment relever des défis !