En quoi la crise de la Covid-19 a-t-elle changé le monde du travail ?
Emmanuelle Foulonneau : Cette période, à la fois soudaine, complexe et anxiogène, a eu un impact sur les vécus personnels et professionnels de l’ensemble des collaborateurs. Nous nous sommes tous questionnés sur nos façons de vivre et de travailler, mais aussi sur nos priorités. Pour autant ces vécus restent très contrastés d’une personne à l’autre. Pour les entreprises, cela implique de personnaliser de plus en plus leurs approches RH.
L’ère du « marketing RH de masse » doit laisser place à une relation entreprise-collaborateurs beaucoup plus individualisée qui, au-delà de l’obligation légale, fait de l’identification et de la prévention des risques psycho-sociaux un vrai projet collectif. Les salariés sont, comme les entreprises, dans une phase de transition. Cette crise donne l’opportunité de construire ensemble de nouvelles façons de travailler et de « penser le travail ». Cela passera par la mise en œuvre d’un véritable dialogue social, porté par une volonté sincère des Directions.
Justement, quelles sont les nouvelles attentes des collaborateurs ?
E.F : En quête de sens, ils ont plus d’attentes vis-à-vis de l’entreprise. Ils sortent fatigués de cette crise, avec un besoin de reconnaissance de leur travail et des efforts fournis. Les collaborateurs estiment avoir largement gagné la confiance de leur entreprise en s’adaptant dans des conditions de travail dégradées et complexes. Ils attendent, en retour, que l’entreprise invente avec eux un modèle d’organisation agile et flexible qui leur permettra de libérer leur potentiel, de s’épanouir, de travailler en collaboration avec leurs collègues tout en offrant un bon équilibre de vie.
Le télétravail a convaincu et fait un énorme bond : selon une enquête 85 % des DRH considèrent d’ailleurs qu’il est souhaitable de le pérenniser au sein de leur organisation. Mais au sein de chaque entreprise, l’enjeu est de définir le bon modèle, avec un juste équilibre entre présentiel et distanciel. La raison d’être des bureaux est aussi à repenser pour ne pas y venir par obligation ou routine. Autre point clé, l’évolution professionnelle est au cœur des attentes des collaborateurs. En effet, pour la grande majorité d’entre eux, l’entreprise doit allouer les moyens nécessaires pour anticiper et développer les nouvelles compétences nécessaires pour faire face aux transformations.
Gros plan sur le cabinet Effibé
Effibé, pour efficacité et bien-être au travail, est un cabinet de conseil et de formation (certifié Qualiopi) en organisation, management et ressources humaines. L’association de ses expertises en neurosciences appliquées, management et RH apporte de la méthode et des solutions innovantes pour construire des collectifs soudés et efficaces, mais aussi pour activer les moteurs individuels des collaborateurs.
Quelles sont les implications sur la qualité de vie au travail (QVT) ?
E.F : Depuis une dizaine d’années, la QVT s’était peu à peu imposée comme levier clé de la performance. La pandémie lui a donné un nouvel élan. En effet, face à des situations complexes et nouvelles, l’engagement des collaborateurs a été un élément critique pour la santé des entreprises. Ils attendent en retour que l’entreprise prenne soin de leur santé, se soucie visiblement et concrètement de leur qualité de vie au travail. Mais les sources de QVT sont multiples et très variables d’une personne à l’autre.
Plusieurs enquêtes mettent en avant l’importance de renforcer le sens et l’utilité, de prendre en compte les équilibres de vie, de favoriser l’autonomie, mais aussi de recréer un lien social qui a cruellement manqué durant la crise. Tout l’enjeu de la mise en place d’une démarche de QVT est donc de créer les conditions d’une organisation collective qui permette à chacun d’y trouver ses sources de plaisir, et donc d’énergie au travail. Il faut adopter une approche globale et systémique de la QVT et l’inscrire dans un véritable projet de transformation, dont le télétravail n’est que l’un des aspects.
Comment manager dans cette nouvelle ère ?
E.F : Quel que soit leur niveau hiérarchique, les managers sont plus que jamais les leviers du changement. Leur rôle, et donc leurs compétences, doit s’adapter à l’évolution des modes d’organisation, d’interactions et des besoins des collaborateurs.
À court terme, ils doivent notamment mesurer et réguler la charge de travail, mettre en place des temps de partage de bonnes pratiques, être formés à l’identification et la prévention des risques psychosociaux (RPS) et savoir qui alerter en cas de besoin, déployer dans leur équipe une organisation qui permette à chacun d’y puiser ses sources de motivation.
À moyen terme, j’identifie plusieurs axes de réflexion et priorités :
- Focaliser l’énergie et les compétences managériales là où repose sa valeur ajoutée. Cela suppose de formaliser le rôle du management, de communiquer et d’expliquer ce rôle, mais aussi d’accompagner les managers pour qu’ils adoptent l’état d’esprit, la posture et les techniques appropriées. Ils doivent manager en motivant.
- Créer les conditions de la confiance dans les relations individuelles et dans la construction du collectif. Elle permet de révéler la capacité d’innovation, d’apprentissage, d’adaptation et de collaboration.
- Accompagner les changements avec le bon tempo, tout en communiquant sur le sens, la nécessité, l’utilité et les bénéfices pour chacun.
- Donner les moyens en termes de compétences et d’outils aux collaborateurs et aux managers pour éviter « les cailloux dans la chaussure ».
- Développer la créativité et l’ouverture d’esprit, notamment pour créer des liens entre les différents domaines et compétences.
- Définir le cadre pour bien travailler ensemble afin de développer une culture collaborative favorable à l’intelligence collective.
Agir sur ces différents leviers managériaux implique, bien sûr, une mesure des résultats et notamment l’évolution de la performance et la satisfaction des collaborateurs. L’objectif est de placer l’organisation dans une démarche d’amélioration continue, alimentée par une approche “test & learn” !